Stratégie d’entreprise : faut-il supprimer un évènement pour limiter l’empreinte environnementale des organisations ?

Recourir à la communication évènementielle est acte stratégique pour les organisations tant au niveau du développement des ventes qu’en terme de notoriété. Pourtant, ces rendez-vous, qu’ils soient internes ou externes, présentent un paradoxe : tout en apportant des bénéfices indéniables, ils génèrent des impacts environnementaux et sociaux. Cette action nécessite d’être intégré à la réflexion globale de l’entreprise pour assurer sa résilience dans la lignée du pilotage de sa transition écologique. Chaque détail d’une manifestation pèse sur les indicateurs de lutte contre le changement climatique.

Face à l’urgence climatique et aux attentes croissantes en matière de responsabilité sociétale, la question se pose : faut-il renoncer à certains évènements ou, au contraitre les réinventer pour mieux concilier objectifs économiques et durabilité ? Quels sont les points de vigilance à prendre en compte ? Quelles solutions facilitent l’engagement plus respecteux des sociétés dans des actions de marketing évènementiel durable ?

Les 3 visages de l’évènementiel

1.       Le présentiel, un incontournable chargé d’émotions

En France métropolitaine, près de 380 000 évènements d’entreprises ou d’institutions étaient organisés en 2018. A cela s’ajoutent des milliers d’évènements culturels, sportifs locaux nationaux et internationaux.

Ils sont des occasions privilégiées d’interactions sociales importantes : les rencontres, discussions informelles et de démonstrations concrètes des savoir-faire.

Les objectifs principaux des exposants :

  • Développer la notoriété de marque et ses relations commerciales
  • Affirmer son positionnement face à la concurrence
  • Susciter l’adhésion des visiteurs par des expériences physiques marquantes

2.       Le distanciel, la souplesse des évènements virtuels

Des objectifs sont similaires au présentiel. Il est rarement possible de se différencier par rapport aux leaders du domaine –sauf sur une plateforme de salon virtuel- puisque l’évènement est propre à l’exposant à un instant T.

Trois avantages pour cette typologie versus l’évènement en présentiel :

  • Toucher des participants qui ne se seraient pas déplacés
  • Réduire l’empreinte environnementale liée aux déplacements, hébergements…
  • Faciliter la vie professionnelle en apportant de la flexibilité dans les agendas de travail des participants

3.       L’hybride, le meilleur des deux mondes ?

Les évènements hybrides combinent les 2 types précédents. Ils élargissent le nombre l’audience potentielle.

En revanche, cette formule exige des ressources supplémentaires car chaque format doit être pensé comme distinct.

Quels sont les impacts  et alternatives ?

  • Toute activité humaine, à l’instar d’une manifestation évènementielle, crée un impact environnemental : génération de gaz à effet de serre – GES, consommation de ressources primaires, impact sur la biodiversité. Les postes des lieux d’implantations, transports, hébergements, consommation d’énergies, alimentation, consommation d’eau des exposants et visiteurs alourdissent les bilans carbone et de biodiversité.
  • Les retombées sociales influent sur les communautés locales, leur qualité de vie, les droits humains – précarité des conditions de travail etc.
  • L’organisation d’évènement peut aussi avoir des incidences économiques avec des effets sur les retombées économiques dans un environnement géographique local ou éloigné du lieu d’exposition.

Le marketing durable vise à réduire l’empreinte écologique à chaque étape de la conception des évènements, tout en apportant une valeur ajoutée à l’organisateur et aux participants grâce à des pratiques éthiques et responsables.

A l’issue de chaque évènement, l’évaluation est conseillée dans le cadre d’une démarche d’amélioration continue.

Quelles conséquences ?

Décider d’organiser un évènement interne ou externe implique des conséquences pour son donneur d’ordre et les organisateurs de salons ou d’évènements.

  • Faut-il ou non poursuivre une stratégie évènementielle ?
  • Comment permettre à une entité économique ou à une organisation d’être pérenne en limitant son choix évènementiel ?
  • Quelles mesures mettre en œuvre pour toucher ses clients ou interlocuteurs ?
  • Quels effets sur la viabilité économique de la structure exposante ?
  • Quels effets sur sa notoriété de marque et sur sa marque employeur ?
  • Quels effets sur les organisateurs de salons ?

Le sujet est sensible pour les entités économiques et ne signifie pas la fin de leurs existences.

Des tendances d’évolution du monde évènementiel

Dans le cadre culturel des festivals la tendance pointe avec plusieurs exemples de groupes musicaux tels que le groupe Shaka Ponk qui a décidé d’arrêter ses tournées et de se dissoudre en 2024 pour limiter l’empreinte carbone de ses tournées et être cohérent avec ses valeurs. D’autres artistes tels que ColdPlay, Billie Eilish ou The 1975 sensible à l’activisme de Greta Thunberg ont repensé la fréquence de leurs tournées et leurs pratiques éco-responsables. C’est un début même si pour certains, c’est associé à du Greenwashing et plus un coup de publicité.

Dans le domaine de l’industrie automobile, le constructeur Volvo a changé sa stratégie évènementielle ligne avec ses engagements liés au développement durable et une nouvelle stratégie en priorisant sa présence sur certains salons dès 2014. Les innovations constantes du groupe sur le domaine de la durabilité font suite à la décision de son dirigeant Pehr G. Gyllenhammar en 1972. Il a reconnu que ses produits pouvaient avoir des effets négatifs sur l’environnement et a assuré que le groupe était déterminé à y remédier.

Les temps changent. Un impact sur un salon lié à la consommation des voitures en 2018, le commissariat du Mondial de Genève « perd » Volvo et s’interroge sur un nouveau business model.

En 2020, la crise COVID-19 a fait évoluer les usages vers des évènements dématérialisés en distanciel via le numérique.

Des logiciels de gestion d’évènements en ligne performants facilitent la communication et la collaboration entre les membres de l’équipe et les autres parties prenantes, quel que soit leur emplacement géographique. Ceci permet de gagner du temps et de réduire les coûts de déplacements.

Il faut néanmoins être vigilant. Le numérique en France, c’est 4,4 % de l’empreinte carbone du pays en 2022 soit 29,5 MtCO2e de GES émises en 2022, soit un peu moins que les émissions totales du secteur des poids lourds. C’est aussi 11 % de la consommation électrique française.

Il est amené à tripler d’ici 2050 si rien n’est fait pour modérer son utilisation notamment due à l’IA.

Dans ce cadre, il s’agit de s’interroger sur l’utilité du projet, du type de contenus, des informations à communiquer, des formats et outils adéquates pour passer les messages.

Des solutions pour réduire ou repenser la politique évènementièlle

1.       La réflexion des décideurs 

En premier : être cohérent avec la décision de la Gouvernance sur les engagements environnementaux et sociaux.

Le rare exemple du groupe industriel Volvo est une preuve de changement. Intégrant le développement durable depuis plus de 30 ans dans sa stratégie internationale, il consacre néanmoins une part importante de son marketing sur des opérations marketing et communications diversifiées et de nouvelles façons de toucher ses clients et parties prenantes. Même si paradoxalement, l’industrie automobile pèse lourd dans les impacts écologiques négatifs.

Sans être un groupe international de l’envergure de ce constructeur, le résultat de vos bilans carbone de votre PME, PMI, TPE ou organisation peut vous guider dans les réductions des GES pour votre structure. En effet, la France a émis 403,8 MtCO2e en 2022, selon l’édition 2023 du rapport Secten. La France s’est engagée à atteindre 5 fois d’émissions brutes moins en 2050, soit 80 (millions de tonnes en équivalent CO2). Ainsi, la volonté de la baisse des impacts directs sur l’eau, la vie terrestre, la biodiversité sont aussi des leviers motivants.

2.       Une simple application de l’économie circulaire inspirée des 5 « R »

Ce modèle de production et de consommation visant à prolonger la durée de vie des produits, à réduire les déchets et à limiter l’utilisation des ressources naturelles peut être transposé à la communication évènementielle. Ces cinq principes fondamentaux, permettent de repenser la communication évènementielle :

  • Refuser de participer pour des raisons sociales et environnementales grâce à une étude préalable et aux alternatives qui peuvent être mise en place. Expliquer en toute transparence les motivations, justifications et communiquer dessus. Refuser de faire un salon ou un évènement pour des raisons économiques est souvent justifié : cela peut également s’entendre dans le cadre de la politique RSE de l’organisation.
  • Réduire le nombre d’évènements, de participants, de solutions à exposer, de déplacements, d’hébergement, de jours d’expositions, d’effectifs affectés à la représentation…
  • Réutiliser du matériel de communication, louer le mobilier ou autres
  • Redonner à la Terre : impliquer l’entreprise, ses talents, fournisseurs sur des projets autour de la vie terrestre et animale
  • Recycler. Avec l’introduction de la loi AGEC (Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire), le défi écologique s’impose désormais comme une priorité pour le secteur évènementiel.

3.       L’écoconception du moment évènementiel

Pour l’évènement présentiel :

Il est possible de faire un bilan carbone, scope 3, détaillé.

Le choix de la localisation de l’exposition pèse lourd : déplacements, hébergements, logistiques générés pour l’occasion.

A cela s’ajoute le cas des visiteurs et participants ; il faut intégrer au calcul des postes d’émissions comme l’énergie (la consommation d’électricité…) le logement, le transport, l’alimentation, ou encore d’utilisation de produits ou de services…

Bien choisir ses fournisseurs évènementiels soucieux de l’éco-conception des évènements. La norme ISO20121 aide les organisateurs de manifestations en tous genres à intégrer le développement durable dans leurs activités. Les différents intervenants dans la chaîne du processus de réalisation peuvent se référer à ce système de management : approvisionneurs, organisateurs, responsables d’évènements, lieux d’accueil, constructeurs d’espaces, prestataires..

L’évènement dématérialisé.

Pour ce qui est de l’évènementiel digital, en mode distanciel, les paramètres à prendre en compte sont plus restreints.

On peut lister facilement certains :

  • Nombre de personnes connectées
  • Format de communication audio, audiovisuel haute ou basse définition
  • Matériels utilisés pour la connexion
  • Utilisation du WIFI ou réseau 4g
  • Durée de connexion
  • Accessibilité
  • Hébergement,
  • Vie privée, etc

4.       Les outils pour les équipes marketing et communication responsables

  • La norme ISO 20121 pour le présentiel
  • Le site de calcul d’empreinte carbone à usage du numérique de l’ADEME

 

  • Des labels :
    • label évènement éco-engagé piloté par REEVE
    • label Prestadd pour les professionnels de l’évènementiel et de l’audiovisuel
    • label LEAD créé par GREEN basé sur un audit indépendant basé sur les résultats de développement durable
  • Des chartes autour des évènements durables
  • Des acteurs engagés au niveau territoriaux en France sur le réseau R2D2

Deux exemples d’évènements internationaux

Des initiatives se dessinent. Une progression sur les déchets timide. Des initiatives au niveau communautaire local autour d’actionss sociales, d’énergies vertes, du végétal et du gaspillage alimentaire.

  • Le SIVAL Angers – Salon international des techniques de productions végétales

Le SIVAL, événement phare porté par Destination Angers, certifiée ISO 20121, s’inscrit dans une démarche de développement durable.

SIVAL 2025 - Evènement écoconçu.

L’organisateur s’engage au quotidien dans une politique de management responsable de ses activités. Cette volonté s’inscrit en cohérence avec la politique de transition écologique du territoire, du positionnement Ville nature et dans une optique d’amélioration continue :

  • Augmenter la part de déchets triés / réutilisés / recyclés générés avant et pendant l’exploitationConclusion
  • Améliorer la gestion des déchets liés à l’événement
  • Réduire la quantité de déchets générés par l’installation et la mise en œuvre de l’événement

Un chois stratégique, pas un renoncement

Faut-il supprimer l’organisation d’un évènement ? Cela dépend, peut-être que oui pour un évènement physique une année ou lui trouvant d’autres alternatives d’évènement ou de promotion innovantes des entités.

Ainsi, passer à un évènement éco-conçu  permet non seulement de réduire l’impact environnemental, mais aussi de capter de nouveaux marchés, de valoriser son image de marque auprès de ses parties prenantes clients, médias ou autres en particulier en période de baisse d’activité.

L’organisation d’un évènement interne ou externe impacte considérablement le bilan environnemental et social d’une entité.

Il est donc intimement lié à la stratégie de développement et à l’essor durable de l’entreprise et donc aux engagements écologiques et sociaux des chef.fes d’entreprises, des gouvernances des organisations. C’est la construction d’une marque durable. C’est un cheminement imposant aux marques des transformations parfois profondes du business model ouvrant de nouvelles perspective. La stratégie de marketing et de communication évènementielle responsable accompagne cette mutation.

Chaque petit pas, chaque action compte vers une progression environnementale et sociale des organisations. C’est l’affaire de chacun. Déprogrammer un évènement physique une année permet de réduire les coûts financiers et écologiques directs. Cela peut également augmenter la résistance au changement.

Il convient d’évaluer cependant :

  • Les répercussions sur les alternatives organisationnelles à ce non évènement en présenciel ou à son remplacement par du distanciel
  • D’évaluer les changements impactant les équipes commerciales et autres équipes métiers
  • De valoriser ce choix engagé auprès des parties prenantes – clients, médias, talents, financiers par une communication adéquate
  • D’effectuer un bilan à court et moyen long terme des retombées directes et indirectes en terme de notoriété, de business, de valorisation dans le reporting extra financier.
  • C’est aussi créer une tripe valeur pour l’entreprise, les clients et la société.

 

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